Custo diariste

Son ombre...

La journée s’annonçait difficile..."si Nouch' n’avait pas eu son accident je ne serais pas là à la remplacer"...Dans la salle de récrée bomdée par les arrivées successives, j’essaie avec ma collègue de rassembler le groupe. "Atelier danse" ! Intérieurement je suis un peu perplexe et curieuse de voir ce que ces enfants à la mobilité extrêmement réduite par des handicaps diverses vont bien pouvoir faire. Et c’est la que je me trompe ! Faire n’est pas le mot mais ce n’est que dans un second temps que je serai amener à le remplacer par vivre.
"rho il fallait en plus que ce soit une sortie exceptionnelle!" Après mille misères à jongler avec les fauteuils, les attaches, la rampe, les bouchons...enfin on arrive à se stationner dans une rue alambiquée du centre ville...quelques bénévoles nous accueillent en musique et les petits marchants sautent déjà partout sur le parquet qui offre une douce résonance. Une immense salle dont l’espace est décuplé par une cloison de miroir me déconcerte quelques instants "mais qu’est ce que je vais bien pouvoir faire à part gesticuler ? Moi qui ne suit jamais là et qui ne connait rien de la choré!?"

Après de nombreuses réjouissances, quelques échanges qui ont permis de nous imprégner de la récompense d’émerveillement des enfants, ont s’est tous mis en place. J’ai bien tenté de me réfugier derrière un de ses poteaux mais impossible d’échapper à mon reflet :)
Max ne me quittait pas du regard et semblait se rapprocher quand Lise est venu me dire "habituellement Nouch se place derrière lui et accompagne ses gestes, fait au mieux en me mimant ca devrait aller". Presque soulagée de pouvoir me planquer derrière le gamin je me disais qu’ils étaient bien courageux de se préparer à s’exposer dans cette danse pour tant de monde !

Le jumbé a donné le départ alors que j’étais à peine prête, hyper maladroite j’ai vu plus souvent Max rire que danser ! :D Heureusement on a du vite recommencer après que le groupe ait été perturbé. J’en ai profité pour désadapter le dossier du fauteuil, seule la membrane souple me séparait de son dos. Je le surplombais que d’une tête. Sur la tablette j’ai libré le scratch qui retenait cette mais dyspraxique et indisciplinée, quelques regards dans le face à face qu’on faisait au miroir et je vis une étincelle dans ses yeux ^^ "Tu me guides Max, c’est toi qui connais la danse" Il me regarde étonné et souriant quand la musique redémarre. Lise effectue juste devant nous la choré avec beaucoup de grace, j’ai l’impression que dès les premières notes nous ne faisons qu’un, j’enveloppe son bras et accompagne ses gestes pendant que l’autre complètement autonome se substitue au sien. Ma main se pose tantot sur sa tête, sur sa joue, quand elle passe devant lui elle semble être la sienne et ses mouvements de tête la suive comme si c’était lui qui s’exécutait, quand elle monte je sens tout son corps qui dans des micro mouvements m’accompagne en s’étirant...je suis son ombre, son extension, ses éléments de substitution, il se vit et profite de se moment au maximum de ses possibilités, je le réalise à ce moment et prend une claque d’émotions et de plaisir. Tout va vite, la musique s’accélère, le groupe se disperse, on arpente la salle en dansant/roulant et on rit !

Le cours fut dense, intense, rapide. Déja nous rebroussons chemin. Lise retraçait ses premières réflexions et hésitations sur la création de cette atelier en pensant initialement qu’il refléterait à tout à chacun leurs incapacités à se réaliser dans tel ou tel mouvement...jusqu’à ce que la conclusion soit de leur offrir simplement l’opportunité de compenser à leur manière quand ils ne pouvaient le faire normalement. Je partageais mes observations et ma surprise à les voir s’éclater comme ca puis vint la description de mes perceptions dans l’accompagnement de Max...quelle drôle de sensation ! Quel privilège d’être là, de faire ce métier, de permettre à quelqu’un de pouvoir vivre de tels moments… Un moment hyper touchant dont je me souviendrai longtemps.