Custo diariste

glissement de terrain!

Les yeux fermés, je sens la chaleur du soleil sur ma peau. Une douce lumière me pénètre de toute part. Les rires des filles me rappellent à la réalité et je me mets à les poursuivre, pieds nus dans l’herbe encore fraiche par endroit. MPL lit son livre et semble s’imprégner indirectement de ce parfum de bonheur. Ma petite course folle me fait passer à côté de cette petite vibration au sol. J’attrape l’une d’elle par son petit bras dodu, elle se recroqueville en se laissant hisser vers des bisous ravageurs ! L’instant est doux, porteur, rassurant. Alors quand la terre commence à trembler on ne perçoit pas tout de suite l’avertissement. C’est le fracas du glissement de terrain qui nous propulse dans l’urgence et nous impose de courir !

Hier le sol s’est dérobé sous mes pieds.
Le contraste des filles jouant en toute crédulité dans ce sas d’attente des urgences, et la détresse intérieurement ressentie, était saisissant. Quand on est remonté dans la voiture ma Jiji m’a dit "mais attend papa" !
J’ai réexpliqué qu’il ne rentrait pas, qu’il dormirait pas à la maison ce soir… l’inquiétude dissimulée, face à la nouveauté elle me dit excitée "hoo je peux voir son nouveau lit?"

Le reste de la journée s’est déroulée au plus près des rituels et obligations du quotidien. En préparant le repas je les voyais jouer comme à leurs habitudes. Les émotions vacillantes, bouillonnantes, semblaient soulever par à coup le couvercle de ma contenance.
C’est au moment de montée que l’évidence du vide fut percutante ! L’absence de tout, de brosse à dent, l’histoire improvisée, seule pour les bisous du coucher...
La gorge nouée j’ai appelé Isa. A coeur ouvert j’ai pu mettre des mots sur la situation et commencer à prendre du recule. Comment avais-je pu manquer les signes d’alerte ? Moi qui suis dans le paramédical. Il a décompensé si vite...en quelques jours tout à glissé, on a tenté de s’accrocher mais le sol s’est dérobé sous nos pieds!
Je me suis levée deux fois en début de nuit pour entendre les filles et pallier à cette ambiguïté; une emprunte de présence dans un lit vide.

Nous ne sommes plus que 3, quoi qu’il arrive je ne peux pas m’effondrer car je suis désormais le seul rempart pour mes filles. Quand je suis remontée en voiture après les avoir déposé à l’école ce matin, je n’ai pas pu démarrer. Prise de sanglots profonds, les émotions se sont libérées malgré moi. Depuis l’administratif s’enchaine ainsi que le balayage d’options pour gérer l’urgence que cette nouvelle vie temporaire nous impose.
La crise sanitaire me fait vivre ce que je redoutais le plus : voir un membre de ma famille happé par la machinerie hospitalière, hermétique à tout apport et réconfort affectif des visites.
Il n’est plus là, seule sa voix me réconforte encore un peu quand je me tourne vers le futur nébuleux.
Difficile de savoir de quoi demain sera fait. Retour incertain. Garder mon travail… tant de chose sont remises en question…