Custo diariste

les limites de la compassion 17 mai 2011

Seule dans ma petite chambre d’étudiante j’encaissais le choc de la nouvelle qui venait de me bouleverser et de faire fuir mon amie.

Une heure plutôt elle débarquait avec son fils encore dans son transat. J’avais un stock de cochonneries et de friandises de toute sorte pour nous rappeler le bon vieux temps et accompagner les nombreux récits que nous nous apprêtions à faire.
Nous avions décidé de lutter contre les sollicitations extérieures le temps de se retrouver. Mais après la cinquième tentatives téphoniques consécutives de sa mère nous nous sommes inquiétées. Nos téléphones à plat nous sommes descendu sur la place de l’église où se trouve la seule cabine téléphonique. Je m’occupais de son fils à l’extérieur et j’observais A. en lui souriant, persuadée que cet appel ne sera qu’une brève parenthèse à nos retrouvailles.

Quelques secondes plus tard, je l’entends crier, le temps de me retourner, elle s’effondre ! Je me précipite, me débat avec ses foutus portes battantes qui l’entravent. Son regard est terrifiant ! Elle suffoque, elle pleure et crie de douleur. J’ai renoncée à le relever tant elle semble abattu. Je me mets à sa hauteur, genoux à terre, mon pied retient la port. Je lui tient les mains et cherche désespérément un indice dans son regard fuyant noyé par les larmes.
Mais que ce passe t il?! ! je tente en vain de l’apaiser. Je sens l’angoisse me gagner et je lutte de toutes mes forces pour me maitriser.
-"A. calmes toi, respires profondément, regardes moi..qu’est ce qui se passe, dis moi."Le couperet tombe avec ces mots tranchants:
-"J. est morte!"

Sa petite soeur de treize ans venait d’avoir un accident de scooter. Après avoir été accrochée par une voiture elle à été traînée sur plusieurs mètres et est décédée des suites de ses blessures sur le trajet de l’hôpital. Le ciel nous tombait sur la tête.
Je la serrais contre moi en accueillant ses lourds sanglots chargés de souffrance. Je sentais jusque dans mes tripes les contre coups , ses sursauts, ses vacillements, ses mouvements incontrôlés. Mon regard qui se chargeait de larmes oscillait entre elle et le petit. Je crois que ce fut un des moments de ma vie où je me suis sentis le plus démunie, désespérée. Nous étions seules sur cette place vide et sombre, avec un enfant, hurlant aussi la peine que ressentait sa mère…

J’ai raccroché le combiné abandonné à un fil pendant. J’ai fouillé frénétiquement dans mon sac pour appeler un ami. Nous sommes péniblement remonté en l’attendant. Chaque seconde paraissait être une éternité. Je tentais en vain de la réconforter mais je tenais ce bébé inconsolable, que sa mère n’avait de tout façon pas la force de porter… après que le petit se soit apaisé, mes mots de réconfort me donnait l’impression de s’évaporer et de ne servir qu’à meubler le silence pesant.

Je ne les ai presque plus quitté pendant trois jours, jusqu’à l’enterrement. Je l’ai accompagnée, nourrit, hydratée, je me suis occupée du petit, accompagné dans les démarches, reçue sa famille chez elle...Géré l’incident avec sa mère qui par despoire à voulu se défenestrer. C’est la seule fois de ma vie ou j’ai réconfortée une amie au delà de ce que j’aurais pu imaginer.

Il y a peu je me suis questionnée sur ma capacité à réconforter, à consoler. Se sont plusieurs évènements espacés mis bout à bout, après des années qui me l’ont fait réaliser que c’était devenu une incapacité.

Il ya quelques années je travaillais en binôme avec une collègue (et amie maintenant) que déjà à l’époque j’affectionnais beaucoup. On était mise à mal depuis des mois par certaines équipes. Ce qui avait renforcé nos liens en nous poussant à la solidarité. Puis un soir elle à craquée. Face à elle dans ce couloir étroit, de nuit, nous étions en parfaite intimité. J’avais toute l’aisance de la situation pour la consoler, mais je n’en fus rien ! Je lui portais un regard plein de compation, je percevais sa détresse, son épuisement, sa gène de s’exposer dans cette difficulté mais mon corps restait figé.

J’ai visualisé ma main qui saisit son avant bras, ou son épaule pour la consoler mais les gestes ne se sont pas réalisés ! J’avais réalisée après coup cette incapacité mais je l’avais expliqué par le fait d’être dans une démarche de protection pour qu’on ne s’éffondre pas toutes les deux car je l’avais sentie, à ce moment la je me sentais aussi fragilisée.

Il y a peu de temps mon amie d’enfance débarque chez moi en trombe, boulversée et éclatte en sanglots. Je réalise après quelques minutes que je continue tout en la rassurant verbalement de servire mon autre invité ! Alors je m’arrete, interloqué par mon comportement décalé ! Je vais essayer. Je me rapproche un peu physiquement mais je suis toujours figée, incapable de la consoler, de la toucher pour la réconforter. Alors je la couvre de compliments, de mots plein de douceur pour compenser, mais elle pleure tout le temps. Pourtant ca me serre le coeur de la voir pleurer...mais qu’est qui m’arrive ?

Depuis des semaines cette question est restée en suspend, puis aujourd’hui je cherchais un sujet d’écriture et j’essayais de rassembler chronologiquement la liste des souvenirs de ce type quand je me suis rappeler de la dernière fois où vraiment j’avais su consoler. Je me suis souvenue, presque malgré moi :

Quand je suis rentrée brièvement chez moi chercher quelques vêtement pour la cérémonie. J’ai réalisée que les jours pendant les quels je me suis dévouée après de mon amie étaient probablement les plus bouleversant de sa vie. Sachant que je devais y retourner, je me suis enfermée dans ma chambre, cherchant les dernières forces qui me restait pour prendre mon téléphone et demander à mes parents de passer avec une de mes petites soeurs. Avec la petite J elles avaient le même age et étaient très proches.

Quand ils sont arrivée, j’ai isolé mes parnents pour leur annoncer. Ma petite soeur est restée de longues minutes seule à se demander ce qui se passait pendant que mon père reconfortait ma mère éffondrée de perdre en une semaine deux personnes proches. Quand ils sont retourné dans la chambre l’expression de leurs visages, indiquait à S la gravité de la situation.

J’ai entrepris un discours progressif, mais lors ce que j’ai cité son prenom j’ai vus dans ses yeux qu’elle avait comprit. Elle s’est reculé en oscillant la tête dans un "non" plein de dénis qui ne l’épargnerait de recevoir cette tragique nouvelle. Agare, acculée, dos au mur, elle ne croyait pas ce qu’elle venait d’entendre. Mon père tenait ma mère par les épaules, elle essayais de contenir les sanglots qui l’étranglaient. S. semblait attendre, un je ne sais quoi qui viendrait lui dire que ce n’est pas vrai. Elle semblait chercher un point de fuite, puis un réconfort qu’elle à trouvée dans mes bras.

Je serrais cette petite soeur que j’aime tant. Je sentais sa souffrance au plus profond de moi. Elle me lasserait le ventre, me marquait si profondément qu’elle ferait désormais partie de moi. On est restée la, longtemps, dans ce silence pesant, changeant de positions sans se séparer.Comme une enfant ses bras m’entouraient et ne me quittaient pas.

Après des jours de consolation, sans répits, d’abord avec mon amie puis avec ma famille. Je ne savais plus ce qu’il restait de moi ! C’est un tourbillon qui vous hape, dévore vos forces, vous vide de la moindre once de bonheur et de bien être pour mieux recevoir et vous remplir de douleur, il vous submerge avec la souffrance de l’autre. C’est le principe de vase communiquant de la compassion.

J’imagine que mon incapacité à consoler était jusqu’ici une réponse de protection à ce douloureux événement que j’avais refoulé. Inconsciement j’ai recement cherché à me preserver du risque de revivre un tel traumatisme. Maintenant que j’ai identifié sa source je vais pouvoir lutter contre cette fatalité et cette incapacité. La prochaine fois j’oserais à nouveau réconforter et je serais doser la compassion.