Custo diariste

remonter le temps 1aout

Remonter le temps.
Coincé entre deux nuits. Prisonnière d’un état de semi somnolence en pleine journée je suis condamnée à erré jusqu’en soirée pour me recaler dans un rythme de jour.
Je m’installe en terrasse sur la péruvienne et me laisse accueillir par la toile tendue d’un pourpre trop exposé pour se vanter de sa vivacité coloré.

Un coussin en nuque, un verre de glaçon à porter de main et un livre abandonné à proximité. Je sais que même la lecture va me faire peiner en concentration. Alors je mets de côté cette idée et me laisse porter par cette envie de m’évader. Je cherche une idée, une inspiration à la créativité, je me laisse porter par mes songes… avant de sombrer.

Des volutes d’images s’imposent et prennent formes, comme un décore qui se dessine puis se construit sous vos yeux....Je suis dans un café. L’ambiance est étrange. C’est enfumé, ca sent cette odeur caractéristique et dérangeante des bars tabacs, mélange de tabac vieilli et de refermé. Le cafetier porte une chemise terne et un boléro noir. Il astique frénétiquement ses verres dans un geste mécanique arrondi.

Je suis interloquée, presque dérangée par cet aspect classique de la scène. Qu’est ce que je fais là? ! Je continue de scruter les allants tours. Les fenêtres allongées à peine transparentes sont ornés d’un tulle jaunie, les tables et chaises de bar toutes occupées par des personnes que je ne vois que de dos sont d’un autre temps.
Voilà ce qui me gène, ce décore d’antan, sépia, vieilli, jauni, terni ...

Un tour sur moi même pour deviner ce que je suis venue chercher et je découvre au coin du bar, une femme attablé que je vois distinctement. Une approche subtile, quelques pas hésitants m’amènent jusqu’à elle. Elle ne quitte pas son cahier des yeux et griffonne frénétiquement. Elle à ces petits gestes d’énervement spontanés qu’elle semble exposer sans retenue, sans pudeur. Je devine que c’est une habituée des lieux.

Je suis captivée par l’expression de sa féminité qui contraste avec ses vêtements si classiques. Jambe croisée allongée sur le côté et à peine dévoilée par une jupe portée au dessous du genoux, des talons noirs aux chevilles sanglées, un chemisier blanc, sombre. Une belle brune, à la coiffe stricte et chignonnée. Une jeune femme au visage pale et fatigué. Je saisi la chaise en rotin à moitié retournée qui m’invite à m’installer.
Une cigarette trône en diadème dans cette main qui lui maintient un front et qui semble chargé de pensées.

Les velutes de fumées la couronne d’une allure glamour de ces pin-ups d’un autre temps. Happée par la curiosité de ses écrits je me penche pour saisir quelques mots à la volée. Mes yeux oscillent entre l’inaccessibilité de son regard qui me donnerait peut être un indice d’identité et le papier qui ne m’a encore rien livré.

Sur la table d’à côté j’entrevois les gros titre d’un journal égaré : "Pétin à capitulé!"
Une angoisse me tort le ventre ! Non parce que je réalise que je ne suis pas à mon époque mais parce que j’ai peur de ce qui pourrait m’arriver. Une peur viscérale, laminante, qui vous prend les tripes avec violence ! Mais qu’est ce que je fais là? ! J’ai envie de me lever, de le crier ! Comment je suis arrivée là ? Je veux sortir de là !

En prise à la panique je me suis instinctivement levée, prête à fuir. Un crayon tombe, elle se baisse pour le ramasser et en se relevant arrête son regard sur moi. Je me fige. Elle me voit! ? Je la connais...C’est évident...mais qui est elle ? Je me rassoies lentement ne cachant rien de mon faciès intrigué.
Elle fait pivoter le cahier, au milieu de toutes ces lignes griffonnées et mainte fois retouché je distingue clairement:
"C’est dans la connaissance des conditions authentiques de notre vie qu’il faut puiser la force de vivre et des raisons d’agir."
Mon esprit s’illumine. Je lui sourit sans retenu et mon regard s’écarquillent. Je reste là, bêtement à retenir mon souffle de stupéfaction. De Bauvoir!
Elle est là, devant moi et telle une goupille tétanisée et impressionnée je ne suis pas en mesure de lui parler. Et pour tant tout se bouscule dans ma tête, des questions à profusion...Si je la quitte des yeux et qu’elle disparaît?...

Je devine l’ouverture de la porte d’entrée à la tintement de cette sonnette si caractéristique. Elle qui avait l’aire si triste s’exprime dans la joie et je me dis que je me dois de connaître ce qui l’anime. Sartre est là, avec sa clic' ! Je me tourne pour la l’épier à nouveau dans ses expressions mais elle n’ai plus la!
Je me retourne pour le voir arriver mais le décore à changé ! Le bar est vide, inoccupé même par le cafetier.
Le tout s’évapore, je sens le rêve m’échapper...j’aimerais le faire durer..quelle chance de l’avoir rencontré !