Surprise!
Il assis en face de moi, dans sa posture de fausse modestie. Les jambes croisées, la tête basse, les yeux hauts à la "Diana". Pendant que les membres de la réunion papillonnent frénétiquement avant de se soumettre aux conventions posturales, je l’observe en tentant de cacher mon dédain. Je me demande comment ce grand tétard à lunettes maladroit aux airs d’écolier à pu devenir PDG. Il s’apprête à faire ce qui est si prévisible quand on occupe ce poste pour la première fois : une démonstration d’autorité à travers deux axes; l’aspect monétaire (faut montrer qu’il est un bon gestionnaire) et la main de fer qui peut assumer des décisions importantes concernant le personnel.
Naïve et crédule l’équipe va boire ses paroles détonnantes. " Tout d’abord je tiens à vous parler des vols qui ont eu lieu dans les différentes institutions..." s’en suit toute une série de nouveaux protocoles pour nous cadrer serré !
"Et puis c’est à regret et après mûre réflexion que je vous annonce que nous avons du réfléchir à des coupes dans le personnel..." J’ai cru un moment me retrouver à Koh Lanta lors de l’annonce interminable du survivant restant ! ... "S va nous quitter!"
Les corps sont alors figés, le souffle coupé, les yeux écarquillés. Ils ont tous tourné la tête vers moi avec stupeur avant de s’empresser de détourner le regard.
Deux jours plus tôt il est venu nous auditionner avec dilettante. Laissant penser qu’en tant que nouveau directeur il venait nous rencontrer. En réalité nous repassions un entretien ! En entrant j’avais bien en tête le renouvellement de mon contrat. La table était vide. La Directrice avec qui j’avais un très bon feeling et qui m’a recruté, se débattait nerveusement avec la machine à café après m’avoir servi de l’eau vinaigrée par erreur ! (un présage!?) L’ambiance semble un peu pesante alors je blague en disant que ca ménage le suspens sur les raisons de cette rencontre. Désolée ils s’excusent de concert en prenant son aire grave. Je suis alors fortement intriguée et méfiante.
Pendant que je cherche un peu de chaleur réconfortante en serrant ma tasse, il pérore ce qu’il a préparé. Les mots se confondent et le son se tari au fure et à mesure de l’ananlyse de sa posture, de son ton… son langage corporel le précède en expression ! Je raccroche à "je suis désolé, la structure va mal et on doit à contre coeur faire des choix douloureux alors qu’on apprécie énormément ton travail" A partir de là tout va vite. J’essaie de chaper mes émotions, de garder la tête froide dans un instinct de survie, comme pour trouver une solution avant de me rendre compte qu’il y a aucune marge. Tout est orchestré. Il s’excuse encore et j’y mets fin "pas la peine de vous excuser, j’imagine bien que vous ne vous êtes pas levé ce matin en vous disant que vous allier mettre une mère de famille à la porte la veille de Noël ! " Un silence s’impose et il tente la dissolution de responsabilité en se cachant dernière le conseil d’administration. La Directrice me rappelle mon bon travail et je m’en fou ! La colère monte...
" comment souhaites tu qu’on organise ton départ avec les bénéficaires?" "je lâche un comme vous voulez" dépitée. Je prends mes affaires en le disant et m’apprête à partir sur le champs. La Directrice me propose de prendre un temps dans son bureau et d’appeler quelqu’un parce qu’elle me sent fébrile.
Heureusement cette fois ci MPL décroche. Je lui annonce et entend sa stupéfaction. Je reste étonnée de son recule, de sa bienveillance sur le moment. J’entends à peine ses premiers mots. Seule sa voix chaude me réconforte à travers les pleures.
Quelques mintutes plus tard j’ai prévenu et je suis partie.
A la maison et face à mon état de décomposition émotionnelle MPL à eu peur que cet évènement greffé à mon état de mère épuisée vienne m’achever. Alors dans un instinct de protection il m’a conseillé de me mettre en arrêt pour les deux derniers jours.
Etant plus jeune je l’aurais fait naivement et faute de savoir faire autrement, mais aujourd’hui je connais les enjeux des relations dans mon domaine d’activité. Ce n’est pas par convention ou état de conscience que j’ai souhaité faire le temps restant, c’est simplement par interêt et anticipation. Les références sont importantes sur les petits territoires…
A la réunion, alors qu’il annonçait ce que nous avions convenu comme excuses bidons liées à une incompatibilité d’organisation avec mon autre mi temps d’indépendante, je me disais " je participe à éviter la pratique dans ton personnel en cautionnant ce mensonge, tu m’en devras une!"
"Veux tu dire quelque chose?" me demanda la Directrice fébrilement en espérant que je décline l’offre
" Oui"...Silence..." la métaphore qui me vient c’est celle d’une histoire d’amour ! On s’est rencontré par un intermédiaire et on s’est tout de suite plu. On s’est promis la lune, j’ai investi plus que de raison en me projetant et je me suis fait plaquée du jours au lendemain sans préavis ! Ma réalité maintenant c’est une incapacité à faire une démarche administrative ou un recrutement vu que nous sommes à la veille de Noël et que tout est en stand by dans cette période. Le 1 er Janvier, c’est à dire dans dix jours, je serai amputée de mon activité principale et je devrais choisir de remettre en question mon entreprise sur laquelle je travaille depuis deux ans ! ...Mais ca n’impacte que moi.
Gros silence et malaise palpable.
"En vingt ans d’expérience dans différentes institutions, que ce soit ici, en France ou au Canada, c’est de loin ma plus belle expérience de travail en équipe ! Je veux juste vous dire que je suis heureuse d’avoir rencontré chacun d’entre vous" Je les balaie du regard et répète "chacun d’entre vous". Les larmes s’imposent pour deux de mes collègues et je constate les mines des autres par empathie. "Quand l’amertume sera passée je me rappelerai tous nos bons souvenirs. Et je suis sur le secteur alors on aura surement l’occasion fréquente de se croiser" Des rires relâchent la pression. La plus ancienne, très fébrile, s’assure que j’ai finis, regarde la Directrice et dit : ca c’est un coup dure ! On l’a accueillit, on a tous investi et ca se fini comme ca. Franchement c’est dure" Je vois que la Direction accueille et attend inconfortablement que ca passe.
Quelques jours plus tard, je suis là pour les bénéficiaires, pour accueillir leurs émotions, leur déception, leur affection...A chaque minute je lutte contre l’envie de partir et l’ambiguité émotionnelle du plaisir d’être encore là et de l’inconfort de la situation.
Noël est venu recouvrir cet évènement d’une couverture de réconfort tricotée par mes proches. Mes beaux parents ont mis les petits plats dans les grand. Mes loulous ont été émerveillés, gâtés...mon état fu balayé en deux jours !
Si il y a quelque chose sur lequel je peux compter c’est la capacité de rebondissement, sur ma détermination quand j’en ai besoin et sur mon aptitude à me réinventer. Pour l’instant j’ai full de dossier scolaire à corriger. A travers ca je me repose et profite de chaque minute avec les enfants. Je me sens sereine et prête à rebondir. Je vais de nouveau tendre mes filets et voir ce qu’il en ressort!...