Custo diariste

En impro

Dernièrement tout à basculé. Du jour au lendemain j’ai du porter seule tout ce que nous avions mis en place en sachant que nous serions toujours deux à se le partager. C’était sans compter les surprises impromptues de la vie. Ces dernières semaines on aurait presque pu penser que c’était Noel tant on a du ouvrir de boites ! Certaines ont révélées quelques diablotins, d’autres contenaient de grandes émotions…

On peut tous s’imaginer un corps qui défaille, un lot de symptômes biologiques. On est tous en mesure de recevoir des résultats d’analyses et de se laisser percuter par leurs conséquences… la médecine est lisible, compréhensible quand elle est mesurable, quantifiable, quand on peut voir par des radios, des scanners, des échos...mais quand vous êtes touchés par "un cancer mental" qui remet toute votre réalité en question, c’est autre chose !

Tout d’un coup on bascule dans une autre dimension. On devient trop faible pour s’accrocher à ses perceptions corporelles, trop instable pour se faire confiance, trop émotif pour décrypter toutes les émotions et pouvoir s’y fier comme des états d’alerte appropriés et en phase avec une réalité douteuse. On est alors perdu dans ses propres méandres psychocoporels.
A quoi se fier ? A quoi s’accrocher ? Comment dissocier le délire de la réalité ? Comment lutter sans ressources ? Comment vivre la peur au ventre et renier des mécanismes archaïques destinés à notre survie qui en réalité nous empoisonne ?

Ces questionnements, cette insécurité sont des fléaux qui collent à la peau, des parasites dont il va falloir se défaire.
Après une semaine d’hospitalisation nous avons décidés d’une sortie contre avis médical ! Il est insoutenable de penser qu’on peut offrir une camisole chimique à des gens qu’on laisse déambuler dans des lieux stériles de vie. Comment trouver et s’accrocher à un quelconque élan viral quand on vous prive de tous flux sensoriels, de toutes relations, de tous vecteurs affectif, de toute rythmicité environnementale en percevant à quelle saison nous sommes, en voyant le soleil se lever et se coucher, en étant priver d’objectifs psychomoteurs ? C’était pour moi un non sens : on ne peut faire revivre une personne qui s’éteint en la privant de tout ce qui fait la vie !

Alors il est rentré béquillé et hypothétiquement stabilisé par un traitement chimique. Tous les autres moyens d’étayage psychique ont été mis en place et s’organisent. Depuis quelques jours je le vois remonter en douceur, à pas de fourmis. Les doutes, les angoisses le pétrissent et l’isolent encore mais il adhère sur quelques points à la vie. Ses mises en mouvement sont motivées (en participant au quotidien, en répondant aux sollicitations de ses filles...) même si parfois c’est aussi envahissant, déroutant, voire insécurisant, au moins il est connecté avec une réalité qui est la sienne et qu’il devra retrouver pleinement.

Je me sentais capable de le porter, pendant des semaines si nécessaire (malgré les crises, malgré les fluctuations émotionnelles, la pression de l’entourage...). Alors quand on m’a sommé de "le placer" dans un lieu approprié la colère à pris place ! Motivée par quelles raisons ? Parce que ces lieux existent et qu’ils sont là pour être rempli ? Parce que la norme l’exige ? Parce qu’il serait conforme de l’isoler là bas et de continuer à vivre "normalement"?... Quand on est seul, perdu et que personne n’est là pour vous porter alors oui peut être...mais quand votre plus grande chance de survie est de vous accrocher à ce qui vous anime le plus alors non ! La vie peut être réorganisée par ordre de priorités, même si il faut faire des sacrifices; réduire son temps de travail, trouver des gardes en urgence, s’improviser aidant dans le soin… La famille c’est l’unité ! Il est inconcevable pour moi de confier à d’autres ce que je peux faire, d’autant plus si je suis convaincue que cela répond à besoin viral.

Cette pathologie de la honte est révélé avec surprise par les proches qui jamais ne se seraient dévoilés sur ce vécu si nous n’avions pas été concernés. Des millions de personnes vivent cela et le taisent à jamais tout en apprenant ensuite à vivre plus raisonnablement dans le respect de leur rythme et plus à travers celui que la société leur impose.
Il faudra des semaines, voir des mois pour traverser ce dessert mais nous en sortirons que plus forts!
D’autant plus qu’un récent évènement est venu de nouveau tout bousculer et va nous demander encore une fois d’improviser…