Custo diariste

*Première amour*

Le réveil est délicat. Ces derniers nuits de garde me plombent et je peine à quitter ce lit. Je sais que tout mon début de journée ne sera pétri que de cet éveil lent jusqu’au regain d’énergie qui me surprendra à la nuit tombée. Mon corps se souvient même après toutes ces semaines de sevrage diurne, d’avoir été bercé par la nécessité de rester éveillée.

Comme j’aime le faire en été, c’est sur la terrasse que je vais m’échouer. Un livre attrapé au hard dans la bibliothèque me tiendra compagnie pour l’après midi. Oisiveté tendre imposée par souci d’économie en vue de la soirée à venir…

Les cent pages de se petit ouvrage de Tourgueniev promettent un condensé ou une légerté qui permettrons parfaitement à tuer le temps.
Le décor est planté au XIXème dans une famille noble établie temporairement dans une villa secondaire en pleine Russie. 16 ans et plein de candeur, enfant vierge de tout sentiment amoureux, rencontre une jeune princesse de 21 ans ruinée et très courtisée..."qu’il est doux de se remémoré l’émotion percu lors des premiers émois, qu’il est étrange de s’avouer leurs lointains souvenirs tout autant que la force du souvenir qu’ils ont laissé..."

Je me laisse portée par l’amusement tout en observant celui qui s’est imissé dans ma bulle. Installés en miroir je l’observe papillonner une pile d’ouvrages qu’il semble avoir sorti que par imitation. L’observant un instant au dessus de la tranche du livre, je l’épis dernière mes lunettes fumées tout en cherchant à dissimuler un sourire naissant qui tend à trahir mes tendres pensées.
La reprise de lecture est immédiatement parasitée par ce triste constat : "je ne peux partager avec lui le délicieux retranchement que m’offre cette activité mais il me touche en me regardant faire et en tentant toujours vainement de s’y intéresser...."

Alors que sa lassitude et mon indifférence semble l’avoir fait disparaître, j’entame le dernier tiers de ma lecture. L’ignorance de l’empreinte du temps dans ces moments est tout aussi jouissive que le plaisir pris au file des lignes. Seules les effluves des plantes abondantes éprouvent ma concentration. "D’ou me vient cet interet miève trouvé ici ? Moi qui ne suis pas fan de romances exagérées...comment ce fait il que j’y trouve désormais plaisir ? Est ce propice à l’été ? Est ce du...?"
Le soleil me taquinent toutes les heures, débordant du parasol que mon bien aimé me surprend à réajuster au passage ! Qu’il est bon d’être chez soi en été…

Imprégnée par le romantisme du moment c’est naturellement vers lui que je me tourne pour concrètement lui témoigner des ressentis débordant...mais cette lecture inspirante est aussi dissociante... ! Je réalise que mes pensées qui s’échouent sur les dernières pages me poussent déjà à partager des impressions sur cet auteur, des intentions qui n’emmènent derrière cet écran tout autant qu’au delà de nos frontières...et j’en reste secrètement troublée...
Ce soir j’irai me baigné de lumière et chasser ces pensées...
---------------------------------
lecture du jour:
Tourgueniev "premier amour"
plaisir des yeux:
Lucien Clergue