Custo diariste

*Au coin du feu...*

Bien installée dans mon siège, décontractée, je retrouvais le plaisir de conduire après toute ces semaines d’abstinence forcée. Stephy profitais de ce voyage pour refaire le point sur ses inquiétudes concernant Emma, les circonstances de cette grossesse sont plus que douteuses. Perdue dans le paysage qui défile en ligne droite, elle cherche à faire des liens : toutes ses remises en questions en début d’été alors qu’elle était en pleine démarche d’assistance à la procréation pour contrer la quasi stérilité de Nic, son choix de partir seule en vacances, son ex (en couple aussi) qui se retrouve comme par hasard aussi labas… l’annonce de sa grossesse "naturelle" un mois plus tard suivie de sa confirmation de rester avec Nic ! Stephy reste bloquée sur ce qu’Emma a vu comme des signes. J’interromps le silence et lui dit promptement:
- Tu sais que j’adore Emma depuis toujours, je ne dis donc pas ca pour être médisante, mais je reste surprise que tu ne fasses pas le lien évident qui remettrait son intégrité en question!
Elle me regarde perplexe!
- Crois tu vraiment que cette grossesse soit un petit miracle naturel dans de telles circonstances? ! Crois tu vraiment que Nic ne se soit pas posé la question de savoir s' il en est vraiment le père ? Quoi qu’il en soit c’est leur choix de famille et si c’est la solution dont ils s’accommodent pour être heureux alors je n’ai pas de problèmes avec ca. Je respecterais l’illusion de la situation si c’est ce qu’elle souhaite et tant qu’elle n’en parlera pas.
Elle pris un air grave de réflexion et acquissa de la tête avant de se perdre dans un le silence.
Après un instant j’ajouta avec une légèreté de ton nostalgique:
- Rappelle toi quand nous étions des ados, ce discours d’intransigeance que nous pouvions avoir, ou plutôt ces paroles tranchantes que JE pouvais avoir ^^ Quand on observait des parents d’amis qui s’accommodaient de leur petit couple sous prétexte que les enfants n’étaient pas assez grands pour se séparer, ou sous prétexte qu’ils n’allaient pas tout remettre en question juste pour une tromperie… J’en étais tellement choquée ! C’était une incompréhension totale à laquelle je répondais au court "c’est quand même simple, ils ont juste à se séparer si ils ne sont plus heureux". Avec les années je réalise que refaire sa vie est simple en soit, c’est de quitter ce qu’on a qui est compliqué.
Célibataire depuis toujours je me demandais dans quel mesure ce discours pouvait lui faire écho.
Elle prit l’exemple de ses parents qui se déchirent depuis aussi longtemps qu’elle s’en souvient et qui malgré tout restent ensemble. Elle témoigna de ce paradoxe qui la laisse dans l’incompréhension.

- Un jour je suis allée rejoindre Mary sur la côte, elle avait loué une maison avec son frère pour toute la famille, je l’ai rejoint pour le weekend. Mary est assez radicale dans ces opinions, de ce fait quand nous avons abordé ce sujet de rupture potentiel quand le couple va mal, elle tint le même discours que moi étant plus jeune. Pierre regarda longuement son digestif et dit à sa petite soeur d’un ton tendre mais moralisateur : tu sais Mary, chaque couple à son histoire, et ses épreuves qu’il peut vivre à chaque fois comme une finalité ou comme une option de renforcement. Moi je pense qu’il y a autant de couple que de formule, et qu’il y en a pas une meilleur que l’autre."
Voyant Mary un peu figée, il se tourna vers moi et me demanda ce que j’en pense, sans quoi, et bien que je fus d’accord avec lui, je me serais abstenue de dire:
- Chacun tient ses comptes à sa façon pour être heureux oui, mais tout dépend à quel prix. Et quoi qu’il en soit, dès qu’on sort du rang il y en a toujours un qui paye. Tantôt ce sont les enfants qui en font les frais en culpabilisant d’avoir contraint les parents à être un couple le temps qu’ils grandissent, tantôt c’est un enfant qui apprend bien trop tard que son père n’est pas son géniteur, ou alors c’est une femme qui apprend sur le tard toutes les fantaisies mensongères d’un mari trompeur… Alors oui chaque couple à sa formule et il revient à chacun de l’évaluer en son ame et conscience, mais elle a forcement un prix.

Je pris la sortie du village et elle meubla en m’indiquant la route. On s’enfoncait dans la campagne profonde, passant sur des routes croteuses qui encrassaient ma belle petite citadine :p Arrivée dans la coure elle me dit avec le sourire et un air persuasif : "tu vas voir comme elle est épanouie".
J’en fis aisément le constat en l’embrassant. Son pancho de baba cachait à peine ses rondeurs ! Elle avait cette excitation d’humeur qui en fait un petit vent de fraicheur à chaque fois qu’on se voit.
Ma quiche végétarienne prit place au four, Stephy fit sensation avec sa flognarde aux pommes ... Après le repas on s’est naturellement dirigées vers le lac, parfait pour une petite marche de rééducation.
Le petit sentier de gauche nous mena dans une prairie vallonnée à l’herbe courte et verdoyante. Quelques sapins hauts et regroupés cassaient la pureté des lignes. A leurs pieds des amanites semblaient disposées là comme un élément de décore ajouté. Les couleurs vives et ses champignons donnaient à ce lieu une impression d’avoir été agencé, presque dessiné !

On fit le tour du lac en marchant à mon rythme (comme des petits vieilles!). Les souvenirs de tout ce qui nous lie ont tissé une narration alternée, ponctuée de rires, d’anecdotes… Puis Emma évoqua ses dernières contrariétés sur la garde alternée. Jusqu’ici à chaque fois qu’elle parlait de Sam on savait ce qu’il en coutait. Les coups et maltraitances avaient beau faire partie du passé, leur simple évocation suffisait à l’assombrir. Je fus surprise de la voir parler de lui si sereinement et lui fit remarquer. Elle comprit que je m’interrogeais sur ce changement et me donna une explication "à la Emma" : un peu mystique ! :-)
- J’ai été accompagnée au moment de le quitter par des assistantes sociales à qui j’ai pu me confier, à des associations spécialisées, à tous mes amis qui ont su m’entourer, puis à un thérapeute ces dernières années sans pour autant perdre mes craintes à être dans l’obligation de le côtoyer pour le petit. Il a toujours fait preuve d’animosité dès que l’occasion se présentait, je suis donc toujours restée sur mes gardes. Jusqu’a ce que je me demande qui entretenait le comportement de l’autre et comment on pouvait briser cette façon de faire. Un jour j’ai osé imaginer ce que serait notre relation sans ces sentiments violents de réciprocité. J’ai "médité" longuement en faisant la paix avec lui, en décidant de ne plus lui en vouloir, que je pouvais qu’en être mieux et qu’il ressentirait mon pardon. J’ai projetée fortement toutes ces pensées apaisantes et réconfortantes et je suis allée sereine vers lui la fois où j’ai du le revoir. On aurait dit qu’il sentait ce nouvel état d’esprit. Comme pour le confirmer tout c’est bien passé pour une fois ! Depuis tout va bien entre nous. Je ne m’explique pas ce qui s’est passé mais je sais qu’on est en paix avec ce passé.

Nous nous réchauffions autour de la chaleur douce du feu, les pieds croisés sur la pierre chaude de la cheminée, les yeux fixés sur la flambée, je repensais à ces paroles en attendant l’eau du thé. J’imaginais dans quelle mesure elle avait du se sentir apaisée, quel bonheur ce renoncement avait du susciter, je l’enviais ! Et bien sur je pensais à ce conflit qui nous lie encore aujourd’hui et dont on vient de passer les un an. Je pense qu’Emma a cassé ce duo décadent de part sa conduite positive et son renoncement mais elle a aussi bénéficié de chance en vivant en concomitance une volonté égale de son ex à vouloir un climat de paix. Car dans tous les cas rien n’est possible seul. Alors je ne peux qu’espérer qu’un jour lui aussi sera dans cette dynamique et ses intentions de sérénité.
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Dernier film : puzzle***
Sympa. La mise en abime est toujours plaisante. J’aime ces films qu’on ne peut voir qu’une fois, dans ce cas bons ou mauvais, ils laissent forcement une trace.