Custo diariste

A toi,

Baigné d’une douce lumière, les détails de son visage m’apparaissaient sous de tendres perspectives. Deux bougies témoignaient timidement de ses trente ans. Toute attendrie par l’instant si attendu, je visais chaque seconde intensément. Quel privilège d’être là, à ses côtés, lui que j’aime démesurément.
Enivrée de bonheur, un clignement d’yeux m’a ramené à la réalité de ma chambre. Toute cotonneuse et encore délicieusement engluée dans cette scène si douce, je suis restée pelotonnée sous ma couette, laissant les images s’émietter à chaque remémoration.

Les émotions qui ont laissé traces dans ce rêve m’ont habité toute la journée. Passées au crible de mon analyse elles ont finit par révéler une véritable crainte concernant l’inéluctabilité du temps qui passe. Des questions ont émergées alors qu’il était là tout blotti contre moi, réclament le sein dû et dodu.
Et si la démence s’invitait avant cette échéance ? M’en voudrait-il de lui imposer de passer se cap sans sa mère ? De ne pas pouvoir lui confier ses enfants?...De devoir mûrir sans moi?
Alors qu’il trouvait le sommeil au creux de mon bras, qu’il se laissait bercer par les battement de mon coeur, mon regard s’est posé sur la bibliothèque. Depuis leurs naissances je garde traces de leur vécu de multiple façons. Et si je lui disais maintenant ce que je ne serais peut être pas en mesure de lui dire plus tard par défaillances cognitives dûes à l’âge ?

Alors je te raconte en mots, l’émergence de ta vie, nichée dans notre désir d’avoir un troisième enfant.
On s’est rencontré tardivement avec papa. Rien ne semblait faire obstacle à notre union et au petit nid qu’on vous avait préparé. Après chacune des arrivées des filles c’était le plein bonheur, pourtant une petite voix intérieur me disait de laisser place à un troisième enfant (peu m’importait le genre). Ca ne s’explique pas, on te désirait, une part de nous que nous ne pouvions nier sans craindre de regrets t’attendait. Cependant, l’âge fut un frein, une crainte, un risque, pas tant médical mais concernant le vieillissement et ton accompagnement. Nous avons donc définit une date butoir au dela de laquelle nous fermerions définitivement la porte. Sans provoquer la chance, nous avons laissé la nature, le destin, la providence décider pour nous.

Début du printemps 2021 papa est tombé malade et a été hospitalisé. Nous savions que l’année était engagée pour sa guérison et qu’elle serait extrêmement énergivore. Comme nous avions prévu de renoncer au moment des vacances, cet évènement n’a fait qu’avancer cette prévision de quelques mois. Quatre semaines plus tard, prise par le tumulte de cette crise, j’ai eu un doute sur mon cycle...un test a révélé ta présence depuis presque trois mois ! Tu t’étais invité juste à temps. En quelques semaines nous avons vécu le pire et le meilleur entre la maladie et l’annonce de ton arrivée. J’ai espéré de mon âme, de tout mon coeur, que malgré l’extrême situation de stress, que tu trouves en moi un endroit sécurisant où te loger et t’accrocher.

Aujourd’hui, nous fêtons tes deux ans. Je vois en toi les prémices du petit garçon que tu deviens tout en étant visiblement toujours un beau poupon. De profil ta joue bien ronde laisse apparaitre seulement le bout de tes lèvres et de longs cils papillonnant. Je scrute chaque jour ce petit corps qui s’affine en me disant que sous peu, les capitons de tes mains charnues disparaitront, tout comme ce plis que j’aime tant sur tes petites cuisses.

Je ne serai peut être pas là pour te voir vieillir mais avant cela je peux t’assurer que je vis intensément chaque instant avec toi. Chaque jour que le vie m’offre me missionne de t’élever dans ce monde, et cela me comble de bonheur.