Counterpart...
Mon dernier écrit date de trois semaines, j’écrivais ma peur grandissante face à cette situation inéluctable et mes pires projections se sont réalisées. J’ai l’impression surréaliste d’être plaquée sur un scénario de série fataliste et pourtant...tout est bien réel!
Quand un sunami arrive certains sentent le danger presque de façon animal ! Leur instinct de survie active l’alerte naturelle et viscérale qu’est la peur ( si on garde son sang froid et que nos réflexes archaïques sont adaptés à la situation les chances de survie sont optimales). D’autres (souvent plus autocentrés qu’ouverts et à l’écoute de leur environnement) regardent à distance la vague arriver sans anticiper le danger (manque de connection à la réalité du monde). Et puis il y a ceux qui ne la verront que quand le souffle de son imminence les caressera mortellement ! Lorsqu’elle les engloutira. Dès les premiers mouvements terrestres que cette vague à manifester tous mes sens étaient en alerte...mais comme le dit le proverbe : la peur n’évite pas le danger. J’ai juste eu plus de temps pour m’y préparer.
Malgré tout il est impossible de prévoir le déroulement des évènements qui y sont liés, encore moins les réactions d’un collectif à l’échelle mondiale, d’autant plus quand il n’y a aucun précédent auquel se référer.
Plus d’un mois et demie que je regarde cette vague arriver et que ce sentiment d’impuissance m’a frappé. Certain se souviendront du moment fort où "ils ont percutés". Chez nous MPL se baladait encore en fin de semaine en faisant un saut au magasin du coin pour acheter quelques cocos aux filles alors qu’à 25 kilomètres d’ici on annonçait déjà des dizaines de contaminations...C’est en retrant et face à ma réaction "exagérée" que je l’ai invité à consulter les infos, à se poser (il a un tel rythme de dingue depuis des semaines qu’il s’est épargné l’anxiété grandissante de l’inéluctabilité pathologique actuelle). Une courte vidéo montrant les effets d’un confinement imminent lui a mis la claque ! "A partir de maintenant on ne sort que pour l’indispensable".
Depuis c’est la folie! ! Dès l’annonce des premières restrictions (très lentes et softs ici) on a commencé à m’appeler pour fournir des masques ! J’avais mis une annonce complètement oubliée il y a quelques temps que j’avais hésité à retirer parce qu’elle était controversée...Je me suis mise à en faire pensant les distribuer au moins dans le quartier...à partir de la j’ai eu besoin du coup de main d’MPL pour gérer les messages et demandes des personnes forcément ultra pressées et paniquées ! J’ai priorisé (parce qu’il faut bien choisir) les infirmières locales indépendantes sans aucune protection, des tatoueurs, des agents d’entretien sont venus, des soignants on appelés en panique...j’ai même du penser à optimiser mon mode de production et à l’efficacité...pensant un model à insert...Sur trois jours je me suis arrêtée pour manger et dormir, faire le tété… Aujourd’hui juste avant les derniers autorisations de circuler j’ai posté à mes proches les masques gardé pour eux. Jonglant jusqu’à la dernière minute avec les adresses, enveloppes…
En allant à la poste la semaine dernier j’avais été surprise de voir ces guichetières sans protections alors MPL leur en a donné en allant chercher les timbres. L’une d’elle a crier à ses collègues "Un monsieur nous donne des masques!!" Lui qui voulait être discret :D Puis il en a profité pour aller chercher l’essentiel en magasin, là où il n’y avait pas la queue sur le parking ! (espacement oblige : limitation des présences en magasin!) Une vielle dame l’interpèle sans ménagement et lui dit "mais il faut arrêter ! On dit et redit que ca sert à rien de porter des masques ! Vous aller faire paniquer les gens..."
" Mais c’est vous que je protège madame, je suis peut être contagieux sans le savoir".
Comment savoir où est la priorité pour la distribution ? Comment choisir au mieux ? Coudre pour ceux qui sont au front ou miser sur ceux qui seront assez responsable pour protéger les autres en les épargnant de leurs éventuels projections?...
Un climat de guerre s’est imposé. "Restriction, confinement, laisser passer, civisme, fermeture des frontières, ennemi commun"...un champ lexical évocateurs du passé. Nuls doutes qu’on vit un moment important de notre histoire, avec un avant et un après bien marqué.
Dans ces situations extrêmes on pense à qui en premier ? A nos priorités relationnelles. Naturellement elles s’imposent à nous, dépassant toutes les traces du passée...c’est ce qui m’a percuté en choisissant tout à l’heure dans l’urgence les nom et adresse des personnes à qui faire mes envois. C’est aussi une évidence affective quand on prend son téléphone pour prendre des nouvelles de ceux qu’on ne verra plus pendant des semaines.
Une de mes soeurs est caissière, la savoir autant exposée m’inquiète. Mon père est médecin et est ou sera réserviste et donc extrêmement à risque. Ma belle mère est imminent déprimée, mémé J est affreusement seule et ca va durer, ma belle soeur doit choisir entre accoucher maintenant et voir sa fille à risque d’être contaminée ou plus tard et lui faire prendre encore plus de risques chaque jour… seuls ces états d’être face à la difficulté de cette situation compte, le reste est tellement secondaire...
Nous allons forcément nous concentrer sur l’essentiel, cette période à venir va nous y confronter et je ne doute pas que certains vont se retrouver face à eux même et risquent fort de ne pas pouvoir jouer le jeu très longtemps…
Au coucher je berçais JJ en lui chantant son "fait dodo" ritualisé qu’elle aime tant en ce moment, ouaté de cette douceur prénocturne et de la tendresse du moment le reste du monde s’est effacé...un court instant où j’ai cru que tout ca était une projection dans un autre monde, juste une mauvaise impression...mais non. Ce n’est que le début…