Le rituel des séances s’est installé au file des semaines. Une petite marche matinale me fait contourner le pâté de maison avant d’arrivée au cabinet. Lorsque j’ai commencé je me donnais vingt minutes pour y arriver ! J’avais le temps de lâcher une de mes cannes pour signer un bonjour aux amis buralistes toute en dénombrant la clientèle, puis d’observer quelques scènes de la coure de récrée qui fait l’angle de la rue… Aujourd’hui j’ai à peine le temps d’installer mes écouteurs après avoir sortit mon portable des profondeurs abyssales de mon sac que je suis déjà arrivée !

Une fois dans la salle d’attente ma leçon d’anglais passe en version écrite. J’ai rarement le temps de la terminer car bien souvent elle est sabordée par la reconnaissance d’une personne avec laquelle j’ai précédemment discuté. Le publique est très varié et s’en est que plus délectable pour moi. Avant hier je partageais l’angoisse d’une maman qui attendait une libération bronchique d’un magnifique poupon d’à peine deux mois, hier une mamie me confiait venir ici le plus régulièrement possible pour maintenir les acquis qui la maintiendraient à domicile plutôt que de la propulser dans ce qu’elle appelle un mouroir en évoquant la maison de retraite. Aujourd’hui une jeune accidentée de la route ma parlait de son épaule qui reste traumatisée et une grand mère semblait s’être échouée dans cette salle d’attente en pensant voir l’infirmière!..C’est un petit balais populaire qui me fait sourire à chaque fois.

Mon kiné est charmant. Un quinqua tout juste grisonnant aux yeux noirs. Un sportif à la voix chaude et posée avec ce que je pensais initialement être un soupçon de timidité. Son axe de courtoisie se porte systématiquement sur l’actualité politique et depuis quelques temps il est passé au cinéma. Il semble combler le vide et fuir les silences. Son regard n’est jamais soutenu et fuit vers le bas quand il ponctue ses plaisanteries ou me voit rire ! Ce serait un comble que je l’intimide, moi qui suis si réservée. En tous cas il est extrêmement agréable d’avoir un homme à mes petits soins et littéralement "à mes pieds"! ! :D

Je progresse, chaque jour un peu plus. Au début c’est fulgurant. Le pied est oedématié, les hématomes de la voute plantaires n’étaient toujours pas drainés lors des deux premières semaines et surtout la malléole était à peine visible avec un encombrement lymphatique de la fosse...!
Le premier jour j’ai juste posé le pied : des picotements et une hyper sensibilité au contact du sol rehaussé d’appréhension ne permet pas de se passer des béquilles. Le lendemain on commence quelques appuis, le surlendemain on tente un transfert de poids, un jour plus tard on test l’équilibre, quatre à cinq jour après les béquilles ne servent plus qu’à sécuriser, on les abandonne le lendemain. Tout ca en cinq jours seulement!
Le pied reprend forme et la marche bien que boiteuse et douloureuse, reprend. Retrouver sa motilité entraine beaucoup de fatigue (on perd l’habitude de bouger, le corps marche à l’économie pendant des semaines, on s’engourdit, on s’éteint même...), Ensuite il faut se réveille. On retrouve vite du dynamisme, un rythme de sommeil plus marqué et l’envie de ++++ ^^

La motivation au mouvement et les retrouvailles avec l’autonomie perdue sont jouissifs ! Mais de la à se sentir prêt à retrouver une vie normale… Tout est tellement incertain, inconstant et évolutif que je n’ai pas su évaluer mes aptitudes à reprendre le travail. J’ai donc laissé toute la décision au médecin qui m’a jugé encore un peu faible sur mes appuis pour reprendre. "si vous travailliez dans un bureau et que vous aviez la possibilité de gérer vos temps de repos ce serait envisageable mais on ne peut pas douter car il s’agit de la sécurité des enfants que vous prenez en charge".
Je me suis pas fait prier et j’ai accepté ces deux semaines de rallonge qui m’amèneront jusqu’à mes vacances de Noel. Résultat je ne reprendrais qu’en Janvier.
J’en profite pour faire trois séances de kiné par semaine, du sport en complément (je crève d’envie de courir depuis des mois, me sentant proche de cela, l’envie se fait dévorante mais il me dit que je ne suis pas prête :/) Alors j’obéis. Alors pourquoi les séances de kiné perdurent ? Simplement parce que je n’ai pas récupéré toute ma souplesse liée au tissus moues. Hier il a décolapsé ma cheville pour la première fois (impressionnant quand c’est sur soi!). Je n’ai plus de douleur depuis deux semaines, je pourrais donc me contenter de cela mais non. Je veux tout récupérer. C’est mon pied d’appuis pour le rollers, et la flexion doit être complète pour que je puisse rechausser sans risque de me blesser.

Ma vie retrouve du confort avec le sport, les aller retour des amis pour lesquels je suis très disponibles (quel luxe!) et j’ai tout le temps de m’adonner à mes passions et de me faire plaisir. Cette situation inhabituelle m’a questionné sur l’importance qu’occupait mon besoin de réalisation par le travail. En observant quelques amis(es) qui ont fait le choix de ne pas travailler et de se réaliser au foyer je me suis toujours demandé comment ils géraient ce sentiment de réalisation, ou encore leur vie sociale, ou la facon dont ils occupaient leur journée quand les enfants sont à l’école… Ca ne m’a jamais fait envie et je n’ai jamais connu ca dans ces 15 dernières années!
Mais maintenant je me dis avec amusement que ce serait pas mal ! Pas d’être mère au foyer en exclusivité (mon Dieu non!) mais si j’étais rentière… :D Pourquoi pas ! ;-)
Avoir le luxe de se cultiver comme on veut, d’agencer son temps à notre guise, d’être disponible pour ceux qu’on aime, de donner de son temps…
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Citation : Seul l’impatient veut atteindre son but sans avoir les moyens d’y parvenir. Il faut tenir compte de la durée du voyage, car chaque instant est indispensable.
Hugo Claus
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C’est la journée des retrouvailles !
- en fin de matinée Angy m’envoie quelques news, malheureusement le changement de programme avec les fêtes de fin d’année fait qu’on devra retarder notre prochaine rencontre… enfin elle va bien et récupère de sa morsure, elle a même reprit le taf!
- Alors que je m’installais au chevalet c’est toute une série de message de "Pauline" que j’ai recu ! J’avais lancé une petite perche ces jours ci juste au cas où… ses nouvelles étaient vraiment surprenantes, inattendues et libératrices pour moi!
- Et enfin May qui m’écrit et me dit qu’elle en cours de PMA ! Deuxième tentatives infructueuses malheureusement. Cette fille ne m’a pas lachée depuis ma première année de fac ! Elle si difficile à cerner. Bien qu’elle manifeste un interet certain elle reste distance et fuit mes tentatives d’approches quand je lui propose une rencontre, un café… on vit quand même dans la même ville ! Enfin c’est étrange, je pensais à elle ces derniers jour à cause du fait que mes parents visite en ce moment son pays d’origine : le Japon.