Les 5 piliers.
Quel contraste. Le calme est extrême. Le silence est constant alors que nous sommes en pleine ville. Je réalise depuis peu que toutes nos perceptions primaires sont ébralées, qu’elles se rédéfinissent en fonction de la situation atypique. Nous avons nous aussi une belle capacité d’adaptation, de mutation.
L’espace : Dans des endroits plus confinés chacun tatonne pour redéfinir ses espaces propres des espaces communs. On redécouvre même des endroits non investi jusqu’ici faute de temps, comme le jardin resté inanimé depuis notre emménagement. Hier on a monté la serre qui m’attendait au garage depuis des semaines. Bibi était super contente de faire une cabane à fleurs, de jouer dans la terre, de sortir ses petits outils...que du bonheur.
Partager le même territoire en permanence créer aussi rapidement des frictions ! Les filles sont toutes deux dans une phase d’affirmation parfois difficile à réguler et qu’il me fatigue d’arbitrer. MPL qui a énormément de travail à trouvé refuge en haut. J’ai hâte que cette phase de rush soit passée. Je ne peux m’empêcher de penser malgré moi qu’à n’importe quel moment tout peut basculer. Chaque moment est est donc précieux et le travail à désormais une tout autre importance même si il n’est pas à négliger parce qu’il y aura un après qu’on se doit aussi de préparer maintenant.
Notre périmètre d’action, de mouvement s’est considérablement restreint. Pendant deux jours ca va mais après cela JJ m’a dit "va pas chez Mili maman?" puis mon beau père m’a annoncé que c’était le bon moment de mettre de l’essence à cause de la chute des prix et de changer les pneus d’hiver parce qu’il fait doux et beau maintenant ! J’ai pensé "pourquoi faire?!" On ne bougera pas pendant des semaines! ! Même dans le quartier c’est exclus. Les filles tendent les mains à l’extérieur des poussettes, veulent parfois en descendre et touchent à tout...Notre rapport à l’espace est menacé et les limites sont renforcées. Dèsormais quand on ouvre la porte on se tient en retrait, quand on va chercher son courrier à quelques mètres on prend des précaustions ! Quand on dépose notre poubelle sur le trottoir on regarde si il n’y a pas quelqu’un susceptible de passer à ce moment la, quand on se promène on change de trottoir…
Le temps : On se vit dans une autre temporalité. On a découpé la journée pour l’adapter aux filles et à leur besoin de développement. Je n’ai pas les compétences d’une maitresse mais d’une YM. De ce fait je profite souvent de leur dynamique du moment et de la mienne en jeu libre pour les orienter sur des découvertes psychocoporelles interessantes pour elles. Le reste du temps c’est lever et petit dej à leur rythme, bricolage jusqu’à la collation, contine/chanson/histoire/ jeu sur table d’apprentissage jusqu’à 11H30 puis petite détente le temps que je prépare le repas. On mange tous ensemble puis c’est la sieste. Au lever c’est gouter dehors ou dedans et on reste un maximum en extérieur. Hier j’ai hésité pour savoir quel jour on était ! D’ici quelques jours on aura encore moins de repères.
Le rapport à l’objet: Là aussi il est plus primaire et redéfini. Il suffit de réfère à tous ceux qui ont fait frénétiquement des réserves en se mettant paradoxalement en danger d’exposition avant le confinement. On stock pour se rassurer. On a aussi peur de ce que l’objet peut transporter. Il n’est plus neutre et anodin de toucher une simple lettre, de poser ses mains partout en extérieur...l’invisible marque peu le perceptible (surtout que notre référence majeure est principalement visuelle), c’est ce qui alimente la paranoia et/ou limite les prises de conscience.
Notre rapport à soi: chacun d’entre nous est destabilisé et doit fournir un effort pour se réadapter. Pour prendre conscience, pour agir et réagir avec les évènements aux quels beaucoup ne sont pas préparés. On est tous confronté à différent degré à un sentiment de peur qui doit être régulé sur du long terme. Et surtout nous ne sommes pas tous "logé" à la même enseigne pour ca. Certains partent tous les jours travailler avec la peur au ventre, rentrent chez eux en étant à risque et n’embrassent plus leurs enfants par sécurité ! D’autres tentent désespérément de donner du sens à leurs actions habituellement dévalorisées (les caissiers, les livreurs, les éboueurs...) en se disant que sans eux le monde actuel s’arrêterait vraiment de tourner. D’autres sont piègés et exploités dans un étaux économique qui les sacrifient en faisant tourner des usines non indispensables et ne peuvent que se servir de cette peur pour se révolter!
Tous les jours, voire à chaque instant, je suis pleinement consciente de vivre de beaux moments et je savoure chacun d’eux comme s’ils pouvaient être les derniers avant qu’une toux apparaisse et vienne nous troubler…
Notre rapport à l’autre : C’est le grand écart ! Il est à la fois plus fort avec les proches (dans tous les sens du terme) et forcément plus distant et méfiant avec tous les autres. Dans l’après de cette situation nous allons devoir réapprendre les uns des autres, nous réapprivoiser. En tant que professionnel nous même nous allons étudier ce phénomène pour aménager notre thérapeutique avec ces effets de claustrophobie de masse, d’agoraphobie...on peut déjà s’y préparer…
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Depuis quelques jours j’ai eu un cas de conscience concernant la fabrication des masques. Ils participent sans nuls doutes à la prévention dans le sens où ils limites les projections et favorise les gestes barrières...mais tout le monde ne peut pas en porter simplement parce qu’il n’y en a pas pour tous!
Avant le confinement j’en ai distribué, aux éboueurs, aux livreurs, aux guichetières et j’en ai gardé pour les caissiers quand j’irai faire mes courses. J’ai été freinée par le fait de mettre une annonce à prix symbolique et de voir des spéculateurs, des grossistes et des profiteurs venir me solliciter sans se cacher de leur intention de revente pour se faire de la marge! ! Je me suis dit que leur fabrication et l’énergie que j’y mettais n’avait de sens dans le don que si ils étaient porté et que de ce fait je ne pouvais pas les donner à des gens qui ne les utiliseraient pas et encore moins à des profiteurs de petites mains généreuses !
De ce fait j’ai modifié mon annonce en montant un chouilla le prix mais en le laissant bas pour tous. Mais il est désormais impossible de diffuser une annonce à ce sujet tant il doit y avoir d’arnaques !
Les couturières amatrices et professionnelles sont sursollicitées pour en confectionner +++ et on a eu des directives officielles pour les fabriquer… mais il faudrait que ce ne soit que bénévolement ! Il n’y a pas de place pour l’entre deux.
Il faudrait aussi que ce soit en prenant le risque de d’autres peu scrupuleux s’enrichissent sous pretexte qu’ils sont probablement minoritaire et que c’est pour le bien de tous. Mon intention n’est pas de faire de l’argent dont je n’ai pas besoin en profitant de la crise mais juste de pouvoir racheter le matériel nécéssaire pour continuer à en faire le temps de cette crise ! Parce qu’une personne qui se protège évite la contamination de dizaines d’autres ! Parce que j’aime coudre et aider les autres...
Du coup dégoutée par tout ca je reste devant mon dernier stock de masques que je vais distribuer et tampi pour la suite. La machine restera en veille et je profiterai de mes proches tant que la vie me le permet.