Custo diariste

*Marchons, marchons...*

Je me délectais de quelques pages de plus avec Kundera quand Meg' sonna le glas de mes lectures. Cachée derrière la porte, Lili sa petite de 5ans et demi, me fit un "bouuuu" des plus inattendu ! :p Quelques bisous pour les vœux (sans chichis et beaucoup de sincérité), un dernier pipi et nous voilà toutes les trois parti en direction du centre.

Bon nombre de personne jonchait déjà le quai du tram, naïvement j’imputais cette grosse fréquentation au premier samedi des soldes. A peine le temps de jouer pour faire patienter Lili qu’à l’arrêt suivant un flot massif de gens vint compléter le peu d’espace restant du wagon. Au suivant on s’entassait déraisonnablement pour grappiller les interstices restant et deux personnes de plus purent entrer ! Cinq stations plus tard je maudissais intérieurement l’ado à la gestuelle nerveuse qui semblait s’asticoter à mes côtés ! Les ouvertures infructueuses des rames ne vomissaient pas ce surplus et retenait notre souffle en embuant toutes les vitres ! "Insoutenable pesanteur des êtres" pensais je en écho a Kundera...un papi dit : "si quelqu’un s’oppose à cette manif et a une bombe dans c’est poches c’est là qu’il faut qu’il soit"!

La fine pluie hivernale me saisit le visage quand je fus enfin libérée de ce monstre mécanique. Mon aversion pour la promiscuité fut à son comble tout le trajet qui me paru une éternité. Cette pensée ne trouva pas de réconfort bien longtemps tant en descendant je fus surprise par la masse de personne occupant déjà le centre. Tous mes repères habituels étant effacés par la foule je dus prendre un instant pour nous situer. A peine le temps de nous questionner que la police déjà présente fit place à la tête du cortège. L’ambiance était surprenante, comme feutrée, seul le déplacement des gens s’entendait et pourtant on était déjà des milliers !

Comme lorsqu’on s’intègre a une marche funéraire, les gens ce sont calmement positionné. Naturellement la foule éparse prit place derrière les politiques et une discipline directionnelle s’installa dans le silence. Têtes basses, la masse dépouillée de revendications se contenta de marcher, marcher sur cette artère principale témoin de notre force de vie malgré l’acharnement meurtrier. Puis tout se stoppa. Un "je suis charlie" se fit entendre, un autre accompagné de trémolos dans la voix, un troisième autorisé par Meg et une toute petite voix d’enfant trouva a se loger là. Puis le silence s’imposa comme un temps de recueillement. Tous là, individuellement à vivre ce à quoi cette meurtrissure du peuple nous fait écho personnellement.

Dans une unité incertaine on se remit en mouvement. Un crayon se leva, un A4 plastifié d’un slogan sur fond noir, un smartphone affichant le même...des démonstrations pauvres pour compenser le manque de mots, pour s’élever au dela de la pesanteur des âmes. Devant moi que des dos anonymes marchaient à mes côtés quand l’unique tour de ma ville apparu dans le paysage. Une tour que je vis autrement ce jour la.

Lili déambulait à la recherche de brindilles pour embrocher ses trouvailles de feuilles de frênes, la pluie nous assommait de tristesse et nous marchions avec l’impression de laisser ce sentiment se déliter et se perdre en ce lieux. Quand un crépitement lointain se fit entendre, se rapprochant à grande vitesse, des applaudissements arrivèrent jusqu’à nous comme une vague d’expression destinée à ce que dans cette action commune on puisse percevoir l’unité. Substitut aux cris des coeurs meurtris, ces vagues se succédèrent sur la marrée humaine qui inondait le centre.

Quelques personnes se tenaient sur le bord du chemin avec des pancartes à la main "des câlins pour Charlie"! Les gens s’étreignaient non loin des policiers aux regards scrutateurs et aux talkiewalkies criant quelques descriptions méfiantes. Des brochettes de soldeurs frénétiques nous regardaient défiler, ils semblaient trouver là l’explication aux allées vides des magasins. Que faisaient ils là ? Comment pouvaient ils ne pas se sentir concernés ?

Quand on vit le château nous décidâmes de rentrer. Le sentiment de communion fut fort et trouva ses mots sur le chemin du retour. Trempée toutes les trois on n’en était pas moins satisfaite d’avoir pu partager ce qui avait été si pénible à vivre ces trois derniers jours. Meg' regarda sa fille et me dit "dans quelques années je lui rappellerais tout ca, je pourrais lui dire qu’on était là...."C’est une belle impacte éducative, un marqueur fort de fraternité. Quoi de plus parlant que l’exemple ?
Meg me contait que la veille elle donnait cours et ses 4èmes qui lui rapportaient en classe des propos brutes en cherchant à en débattre "Mais madame ils l’ont bien cherchés!". Alors la question se posa pour la classe "doit on répondre a ce que qu’on considère comme de la provocation par la violence?" Je me suis dis spontanément : "heureusement l’école est là" !

Devant un thé et un chocolat chaud on s’efforça de tourner la page sur tout ca. On entrepris d’examiner le programme de la folle journée et de nous offrir dans peu de temps un réconfort culturel et musical. J’écris donc ce matin en étant en attente sur la billetterie qui vient d’ouvrir...et qui m’empêche d’aller courir malgré un temps splendide qui m’appelle…

J’espère que tout ca est derrière nous mais je ne suis pas naïve. Les censeurs qui sont tous des extrémistes, sont et seront toujours là pour museler les paroles, les écrits… quitte à user de souffrance pour y arriver, quitte à faire des sacrifices pour en faire la démonstration et imposer leur terreur ! Alors hier j’ai marché contre eux, pour rendre hommage au victimes qui malgré les menaces ont continué a s’exprimer et j’ai aussi marché pour moi, pour défendre ces valeurs auxquelles je tiens tant, celles que je continuerai de défendre à petite ou grande échelle.

La marche d’hier était avant tout humanitaire, démocratique, multi religieuse, républicaine et à dépassée nos frontières en terme de solidarité. Je suis heureuse d’avoir défendu l’article dix de la déclaration des droits de l’homme, contente d’avoir participé à l’unité nationale, à redonner un peu de mouvement à la France et à ses valeurs tout en m’inscrivant activement dans ce qui, je n’en doute pas, sera marqué fortement dans notre histoire.
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Citation : "L’intégrisme est un refuge pour la misère parce qu’il offre un sursaut d’espérance à ceux qui n’ont rien. Que leur mal disparaisse et l’intégrisme perdra ses troupes "
L’Abbé Pierre