Custo diariste

Un bout de papier à encadrer

Sur le parking j’en menais pas large ! Je suivais les bons conseils de F en enchainant des mouvements activo passifs destinés à détendre ma ceinture scapulaire qui focalise mes crispations. En jetant un oeil aux trois, quatre voitures du parking j’ai réalisé qu’on m’observait dans un rétro. A ce stade de gestion du stress ca m’importait peu. MPL m’attendait plus bas dans la rue. Protocole de m*rde du covid qui ne nous permettait même pas d’être accompagné et soutenu moralement avant le grand saut. Face à l’entrée toute murée et exiguë du petit porche j’attendais l’heure et régulais ma respiration par des inspirations profondes.

Une voix se fit entendre au loin. Sarah la candidate précédente était encore là! ! Je me dis alors qu’ils étaient encore en train de la cuisiner et que ca sentait pas bon.
Curieuse je fis quelques pas dans le couloir. Stoppée par un fracas d’applaudissements, j’ai attendu sa sortie pour la faciliter. Toute voilée et masquée elle se précipita vers moi en ouvrant les bras et nos corps marquèrent une hésitation. L’étreinte fut brève et convulsive de soulagement. Intérieurement je vacillais; ayant lu son travail au préalable que j’avais trouvé médiocre j’étais stupéfaite de sa réussite et mon cerveau ne fit qu’un tour en se demandant si ce succès était au non de bon présage pour moi.

Elle est partit rapidement et je me suis avancé doucement ne sachant pas trop si je devais enchainer ou leur laisser une transition ? Entrer ou attendre qu’on m’appelle car la porte était restée entre ouverte. Je m’apprêtais à reculer quand je reconnu la voix de Sophie qui dit "rhooo c’était quand même gênant de devoir faire les questions/réponses pour obtenir ce qu’on voulait entendre ! J’ai eu l’impression d’être à la présentation de Sandra l’année dernière quand on a du lui arracher les mots de la bouche pour obtenir un 50%"

J’ai fais quelques pas en arrière et le directeur venu me chercher. Quelle surprise de les voir atttroupé devant un petit buffet de sandwichs, le masque pendouillant sur une oreille alors que le mien me coupait littéralement la respiration ! "Installe toi, on fait vite".
Mon bloc à gauche, les notes à droite et mon instrument dans le coin de table.
Encore tous mâchouillants ils me lancaient des sourires gênés et le directeur dit avec beaucoup de bienveillance. "Soyez bien à votre aise, je vous propose de l’eau ? Prenez votre temps...je vais vous expliquer le déroulement..."
Face à 7 personnes de renommé dans mon secteur d’activité j’étais quelques peu impressionnée mais pas une seconde je me suis demandée ce que je faisais là ni pourquoi je m’imposais ca.
Pour exercer je n’ai pas besoin de cette validation et pourtant, elle est indispensable pour regarder vers l’avenir de facon plus sereine. C’est un "au cas où" je poursuivrais mes études, "au cas où" ... et c’est surtout un aboutissement, une cloturation définitive après 4 années d’études.

Etrangement je n’ai pas vécu la même pression qu’en début d’année lors de mon examen.Il faut dire qu’à ce moment la les couloirs étaient bondés de monde, on se pressait pour entrer dans les salles et assister à la présentation des candidats...des acclamations retentissaient, on se serait dans les bras et s’embrassait...un tout autre monde...depuis le Corona est passé par la. Désormais c’est en solo, dans une ambiance glauque, bardée de précautions austères qu’il faut présenter son travail.

J’avais volontairement choisi un support rigide pour ne pas avoir de feuilles tremblantes qui trahissent le stress. Bien ancrée j’ai été vigilante à porter mon regard et ma voix au loin (faut dire qu’on était bien distant). Je me sentait toute petite dans cette salle immense justement choisi pour son volume et son aération. Une des Sophie me troubla car elle fit toute son écoute yeux fermés ! Je me suis quand même demandé si l’heure tardive et mon discours soporifique pouvait la faire dormir ! :D
Malgré le fait de m’être préparée à donner une couleur aux mots, à rythmer mon intervention...j’eu l’impression de lire pour la première fois comme en CP ! Je peinais à reprendre mon souffle, j’avais envie d’arracher mon masque ! Les mots s’évaporaient à toute vitesse au point que si je m’arrêtais je n’aurai surement pas pu raccrocher et pourtant j’avais prévu de le faire !

J’ai posé mon bloc, saisi mes baguettes et j’ai fait résonner le hand drum avec une petite musique douce qui a donné une autre dimension au lieu par écho localisation. Une vibration nous a traversé, unifié dans un moment de partage hors du temps. Ce qui a suivi était une explication chargée de sens en ce qui concerne cette action précise en prise en charge dans mon intervention thérapeutique...
Seulement 10 minutes venaient de s’écouler quand j’ai ponctué.

Les sourires étaient figés, neutres. Je ne savais pas quoi penser.
"Très bien, je vais inviter les jurys à s’exprimer d’abord sur votre production écrite"
F prit la parole et commenca par me féliciter sur la qualité de la rédaction, dans le style, dans l’approfondissement de la recherche théorique et dans l’analyse… Comme je sais qu’ils commencent toujours par le meilleur pour nous détendre j’attendais d’entendre les bémols pour me préparer aux questions qui allaient en découler. Le tour de table fut bon. Je fronçais des yeux pour feindre des sourires et me réjouissais de porter un masque protecteur d’émotions !

Ce n’est pas rien de se retrouvé épier par 7 personnes dans des conditions d’examens mais quand en plus ce sont toutes des psy et des spécialistes du langage infra verbal...c’est mieux de ne pas y penser sous peine de perdre tous ses moyens !
Les trois premières questions furent attendues et les réponses ont été volontairement donnée pour faire trainer et limiter le flot d’interrogation.
A mi parcours le vieux dragons s’est réveillé ! Sortie de sa léthargie juste au moment ou les plus jeunes qui étaient la gracieusement et uniquement pour plaire aux anciens, commentaient à devenir incisifs pour faire leurs preuves.
"J"entends bien vos réponses mais ...(elle réfléchit)...pouvez me dire comment concrètement vous accompagnez les enfants dans leur processus de symbolisation au cours de cet atelier?"

La je me suis liquéfiée ! Comme dans les mangas un petit oiseau suivit de petits points m’est passé devant les yeux ! Face à ma perplexité une jeune arrogante entrepris de reformuler pour faussement m’aider. Sa condescendance m’a suffisamment énervé pour me faire changer d’état et je dis "par le jeu". Restée en suspens elle insista" d’accord mais comment concrètement?"
Elle a vu mon désarroi et a ajouté " prend un exemple avec un enfant et dis moi quand tu le visualises". J’ai fait un signe de la tête et elle m’a guidé "présente nous le contexte, ses réactions...." A ce moment j’ai réalisé qu’à travers cette question elle me demandais de présenter une situation clinique et analytique entière spontanément! ! Ce qui prend des heures de préparation pour un élève non expérimenté...
Alors j’ai laissé le souvenir de cet enfant remplir le vide vertigineux qui venait de m’envahir.

"Cathy était là au fond de la petite salle pendant que j’animais le groupe. Dans un dialogue tonico émotionnel, j’ajustais mes mots aux réactions des enfants, à la dynamique du groupe, pourtant une partie de moi était focalisée sur elle. Ce jour la j’appris promptement par l’éducatrice qui l’a déposé que sa maman était décédé dans un accident de voiture quelques jours plus tôt. Arrivée en retard ma collègue n’avait pas eu le temps de me prévenir ! Cathy s’était installée en décubitus semi ventral sur un énorme coussin, tenant fermement son doudou elle semblait ailleurs. Tout d’un coup je fus interpellée par la discordance entre sa situation et ma narration qui parlait indirectement d’abandon d’enfant, de disparition..." ma voix se coupa et mes yeux se sont rempli de larmes ! Un lourd silence s’installa.

Je tentais péniblement de ne pas me laisser submerger par ce souvenir quand j’eu l’aide inattendu d’une Sophie "on voit bien que ce souvenir est encore prégnant, qu’est ce qui te touche particulièrement de ce moment?"
"ho c’est un contre transfert sur la souffrance de cet enfant..."
J’ai décliner mon analyse pratique en décortiquant une remise en question de mes interventions et en déroulant les réactions de l’enfant sur le long terme lorsque je l’ai accompagner dans ce processus de deuil sur plusieurs semaines. Touché, l’auditoire a été compréhensif, je les ai vu hocher de la tête lorsque je présentais et analysais les mises en jeu de la fonction symbolique…

Le directeur a demandé promptement qu’on ponctue cet échange et que je quitte la pièce pour délibérer.
A mon retour il dit quelques phrases que je n’ai pas entendu ! puis "bon je ne vous ménage plus longtemps, vous avez réussi. Nous tenons à vous féliciter pour votre travail...." et il invita chacun à dire un mot.
A mon grand étonnement tous les dragons prirent la parole pour dire unanimement qu’elles voyaient déjà en moi une grande professionnelle pour mes capacités analytiques, critiques, cognitives et émotionnelles. Elles me dirent de continuer à travailler la mise en corps pour unifier le tout et le directeur les a interrompu et m’a mis dehors faute de temps! !

Au bout du parking, à la limite autorisée MPL faisait les cent pas tout inquiet du temps que ca avait pris!
Il a fallu me démasquer pour qu’il puisse voir mon large sourire et souffler de soulagement. Dans la voiture je ne pensais qu’à retrouver les filles gardées par papy et mamy. MPL elle a insisté sur la reconnaissance de mes paires, tardive et surtout inattendue car je n’ai rien fait pour investir le relationnel avec elle dans le but de préserver leur objectivité.
On a pris une petite coupe en rentrant et hop au lit les chéries…

Le lendemain j’ai senti un énorme relâchement corporel. J’ai rien fait de la journée ou presque (ce qui n’arrive jamais!). Le surlendemain on est allé chercher ma nouvelle voiture à l’autre bout du pays. L’occupation de la route, des papiers et autres ne m’ont pas permis de repenser à tout ca. Hier MPL à beaucoup travailler sur ses corrections d’examen et j’ai profité des filles qui m’ont beaucoup manqué en cette première semaine de reprise scolaire; alors aujourd’hui, comme j’ai toujours pas réalisé je me suis dit que j’allais l’écrire pour ancrer ce moment au fer rouge… mais je réalise toujours pas ! Mes émotions sont murées ! Pourquoi?... mystère…

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Ma JJ a fait sa rentrée ce lundi. Ce fut cornélien de savoir si elle allait la faire ou non dans ce contexte sanitaire...comme elle avait bien accroché avec sa maitresse en virtuel et que de toute facon Bibi y va… quand elle a aussi voulu y aller on s’est dit que ca ne pouvait que lui être favorable d’avoir une accroche relationnelle a entretenir jusque Septembre. Ha ce fut une grande étape de laisser mon bébé quitter le nid pour sa première envolée. MPL l’a accompagner le premier jour car je me sentais bien trop fébrile pour ca. Sa fonction paternel et sa position de tiers séparateur fut de rigueur et a suffisamment sécuriser JJ qui n’a pas pleuré.

Le confinement ne nous a pas laissé une minute et nous avons décidé de passer un mois en France cet été pour nous ressourcer. De ce fait je candidate rai un peu partout en rentrant les prochaines semaines me permettrons d’investir notre environnement et mes supports professionnels…