un instant volé
Le soleil plombe de nouveau dans la chambre des filles. La sieste se fait en décalée aujourd’hui à cause de la nuit orageuse qui les a complètement perturbée. Alors que nous dégoulinions tous en début de nuit la pluie est enfin tombée après six semaines d’absence ! Du jamais vu, même ici dans le Nord… Habituellement je ne dors que 4à 6h entre coupées 4 à 6 fois par les réveilles alternés des filles (hé oui encore une à deux fois pour Bibi ! De ce fait cela fait 2ans et demi que je n’ai pas fait une nuit complète!!) malgré tout je suis toujours allée en cours et cet été j’assume mes journées de travail.
La fatigue est devenue une compagne, une ombre qui ne me quitte plus et dont j’ai banalisé la présence. Cependant elle fait de moi une funambule dont la chute pourrait être lourde de conséquence. C’est pourquoi depuis quelques jours j’ai commencé à donné le bib à JJ. Etant épuisée il se peut que le lait se tarisse et que ces levés fréquents y soient corrélés. Il était important pour moi de ne pas lui donné de lait épaissi avant qu’elle soit en âge de se réguler, sans quoi je considère que c’est un gavage uniquement profitable aux parents. Pour l’instant elle boit 10cc et le repousse ! Et parfois elle prend 120 en milieu ou fin de nuit…
Ce matin, après une nuit blanche où elle s’est réveillée sous les coups de tonner tous les trente à quarante cinq minutes, j’ai décidé de renoncer à ma journée de 10h de travail ! On a tous nos limites.
Et depuis le début de l’été on ne fait que le grand 8 en alternant les très bonnes et très mauvaises nouvelles, allant de la réussite des examens, à la perte et le gain d’un emploi, la mort soudaine de mon père...tout ca est épuisant.
Hier je parlais à un camarade de formation qui est déjà sur les starting blocks pour la rentrée et qui continue de maintenir le niveau de stress scolaire. Personnellement je dois dire que tous ces évènements ont au moins eu le bénéfice de me faire décrocher des deux premières années de cours qui m’ont mises sous pression. C’est donc fatiguée mais paradoxalement toute fraiche psychologiquement que je vais bientôt reprendre les cours.
Retravailler m’a permis de me conforter dans mon projet d’étude. C’est en étant de passage en unité psy que j’ai réalisé que j’avais fait le tour du handicap, que ce soit physique où mental. J’ai envie de plus de légèreté, c’est pourquoi je pense me diriger vers les nourrissons, les très jeunes enfants et surement faire de la formation ou de la prévention, au pire de l’éducation mais pas du thérapeutique, en tous cas pas à plein temps et pas dès le début...on verra...c’est justement cette année que ca va se décider et finalement ce sera peut être juste une question d’opportunité.
Pour l’instant je profite de chaque seconde avec les filles et je me délecte de chaque instant. Bibi commencera sa vie de grande et prendra un début d’autonomie cette année en commençant l’école ! Je ne suis pas prête mais elle oui alors...
Il y a quelques minutes encore je les voyais rire aux éclats toutes les deux, Bibi venait de réaliser que ses gestes brusques faisaient rire JJ et qu’elle avait ce pouvoir de grande soeur bienveillante.
Et mon petit bouchon est encore au sein. On commence à me demander avec précaution et curiosité jusqu’à quand je vais l’allaiter ? Ce à quoi je réponds "surement jusqu’à sa majorité, après c’est elle qui décidera!" :D
Bien sur cette ironie précède et contre l’évidence; c’est elle qui en décidera. Tant qu’elle a besoin de sein elle est dans une recherche de réassurance, ces moments de constructions cumulés renforcent notre lien et la consolide pour la suite, ils sont essentiels. *
On vit des moments tellement doux grâce à cela. Il y a quelques minutes alors qu’elle têtait juste avant la sieste, je savourais l’instant en ayant l’impression que ces premières succions étaient collées sur mon rythme cardiaque. En syncinésie elle mobilise toujours son bras en agitant son doudou, le faisant échouer sur sa tête, elle l' étire ensuite sur son visage comme une caresse de plus. Pendant que toutes ces minutes s’écoulent il m’arrive de rêvasser mais je m’efforce toujours dans ce cas de maintenir ma qualité de présence pour préserver la préciosité de ses instants éphémères à l’échelle d’une vie. Mon regard parcours alors son visage que je connais dans le moindre détail et bien mieux que le mien !
Je peux à loisir scruter la base de ses cils broussailleux, son grain de peau infiniment doux, tous les arrondis généreux de son front, de son petit nez, de ses paupières diaphanes, de son petit menton identique au mien, de ses joues de baudruches qui se gonflent rythmiquement à chaque gorgée. Mon regard attendri fini souvent sur ce qui m’appelle tendrement à la bisouter; les petits plis de son cou sont ma faiblesse, tout autant que ceux de ses poignets, ses poplités, ceux de ses chevilles… et le plus savoureux, ces petits centièmes carrés de peau que je jalouse et revendique sont ceux de sa nuque, juste à la racine de ses cheveux, ce petit endroit dodu qui ne le restera pas et qui pour l’instant épouse parfaitement mes lèvres avec une infinie douceur. Ha mes filles, je les aime tellement. Elles sont mon, notre plus beau projet, mon plus beau vécu…
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Fin du visionnaire de la servante écarlate : j’avais regardé le premier épisode en début de grossesse mais c’était trop violent émottement pour moi ! Désormais, malgré le fait d’avoir retrouvé mon contrôle hormonal, presque chaque épisode m’a donné mal au ventre et a mentent mon souffle en suspend!...trop d’identification surement :)
*http://www.mere-nature.com/humains/mere_enfant/sevrage_chez_humain.php